jeudi 24 février 2011

BA du jour, bonjour

Je suis dans la rue. Je fume ma cigarette (oui, depuis Londres, je fume de temps en temps. Pas beaucoup, mais suffisament pour que ca me soit nécessaire. Pis de toute façon, d'après les Mayas et Hollywood, on va tous crever en 2012). Je suis au coin de la rue. Il y a une place de parking pour handicapés. Il ya une jeune fille qui tente de s'y garer. Rien n'indique qu'elle soit handicapée. Ca m'énerve alors je la regarde d'un air méchant.

Lyon est une ville plutôt handicap-friendly. Les trottoirs sont tous abaissés, les lieux culturels accessibles. Bon, y a des collines un peu partout, mais ça, la Mairie peut rien y changer. Bien sûr, les handicapés sont quasi invisibles, mais là aussi, rien que la Mairie ne puisse vraiment changer, il n'y a guère que grâce aux pubs que Debbouze a fait que les handicapés ont gagné un poil de visibilité en France.

Je n'en parle pas souvent, mais je suis légèrement handicapé de la main gauche. Quand j'avais 13 ans, on a découvert une grosseur begnine se développant sur l'articulation de mon poignet et on a dû la retirer. Malheureusement, elle s'était inflitrée un peu partout, et au passage durant l'opération, quelques nerfs ont sauté. J'ai été appareillé pendant 6 mois, ca me faisait ressemble à Freddy, et autant vous dire qu'à cet âge c'est pas exactement Bizance d'aller au collège comme ça. 5 ans plus tard, la tumeur est revenue. La grande chance est que cette fois j'habitais à Paris, près d'une clinique spécialisée dans la chirurgie de la main. Mon malheur c'est qu'entre l'artérioscopie de Pâques et l'opération chirurgicale de Juillet (après le BAC), la tumeur avait triplé de volume. Les chirurgiens s'en sont vus et ont dû sectionner artères, vaisseaux, et d'autres nerfs. Rééducation de 3 mois. Grosse peur pour tout le monde. J'ai développé une addiction au Di-antalvic, anti douleur surpuissant qui vient d'être déclaré nocif, après le scandale du Mediator et rétrospectivement, durant la phase de sevrage, j'ai été au seuil du suicide. Et c'est là qu'une de mes amies les plus chères, la plus proche en tous cas, m'a sauvé la vie. Grâce à un vol de parapente (oui oui, ce vol m'a rendu tellement malade que ça m'a rendu vivant). Mais c'est une autre histoire.

Je ne suis pas à plaindre, je suis droitier. J'ai peu de forces dans mon bras gauche, mais je compense. J'ai surtout une belle cicatrice. Je pense que j'ai eu de la chance d'avoir ces problèmes jeunes, ça m'a aidé à relativiser pas mal de merdes. Et puis j'ai fait mon apprentissage d'adulte avec un seul bras. J'ai appris à travailler avec un seul bras. J'ai appris à faire l'amour avec un seul bras.

Je me souviens d'une prof à la fac, quand j'apprenais mon ancien métier (j'étais chimiste, avant, dans une autre vie). On devait verser de la main droite et mélanger la solution obtenue de la main gauche. Ce que je ne pouvais pas faire. Elle arrive et, se croyant pleine d'esprit, elle dit bien fort : "Et alors, on est handicapé du bras gauche ?". Je la regarde droit dans les yeux et je lui dit "Oui, Madame".

A la fin du cours elle est venue s'excuser, évidemment.

C'est une société étrange, celle qui cache ses handicapés et qui s'en sert pour faire des bons mots. C'est une autre forme de discrimation, de racisme. C'est désolant. C'est humiliant.

Il est 11h00. La jeune fille capte mon regard et dégage. Je peux retourner me coucher.

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